Les changements organisationnels / opérationnels pour la durabilité
Le lancement du partenariat avec le Centre de formation en développement durable (CFDD) de l’Université Laval est une belle occasion de promouvoir la conception intégrée. Durant l’année 2017-2018, à travers une série de neuf articles, le blogue PointCI traitera de l’importance du PCI afin de faciliter sa compréhension. Je suis très heureux de cette nouvelle collaboration. L’idée d’écrire sur le PCI et le développement durable est née bien avant la création de la plateforme PointCI. En fait, c’est lors de ma participation à Greenbuild International Conference à Los Angeles en 2016 qu’il m’est apparu comme une évidence que le PCI est la clé pour résoudre les problèmes d’agilité et de performance de l’industrie. Et c’est lors d’une conférence sur les changements organisationnels nommée « Leading Organizational Change » que j’ai décidé d’en faire mon premier article.
Engager les acteurs et intervenants sur l’efficacité au-delà du processus habituel
L’idée ici est de se poser la question : que voulons-nous atteindre dans nos projets en bâtiment ou en infrastructure ? Comment doit-on répondre aux enjeux de durabilité? Comme début de réponse à ces questions, il y a l’importance du partage de l’information et de la collaboration. Ce que l’on cherche à faire dans la réalisation de projet durable, c’est d’obtenir une valeur ajoutée face aux prémisses environnementales, sociales et économiques. Trop souvent, les projets reposent sur un processus de prise de décision basé majoritairement sur le budget et sur le coût du projet. Le projet se résume donc à satisfaire des besoins fonctionnels et d’affaires dans une optique de performance qualité/prix. Ce qui a pour conséquence de ne pas inclure les opportunités découvertes lors de la conception. Cette tendance à ne pas pouvoir saisir ces opportunités est liée d’une part à la structure organisationnelle et opérationnelle classique (c’est-à-dire les structures hiérarchiques) et d’autre part du fait que les projets comportent leur lot d’incertitudes transférées en risques pour le client. Tout compte fait, le but est d’avoir un projet à moindre coût, mais à valeur ajoutée.
L’ÉQUIPE INTÉGRÉE COMME UNE ENTITÉ UNIQUE
Dans un contexte de réalisation de projet en conception intégrée, l’équipe multidisciplinaire s’appuie sur une structure plutôt horizontale dans le but d’avoir une communication harmonieuse entre les professionnels. La promesse de la conception intégrée est de réunir tous les intervenants afin de créer une unité pour concevoir et construire un projet performant. En ce sens, nous pouvons voir l’équipe de projet comme une entité temporaire, une organisation à part entière sur toute la durée du projet. Du même sens, le mode contractuel de réalisation de projet intégré, « Integrated project delivery (IPD) », propose justement de créer une entité à usage unique. L’entité est temporaire et généralement dissoute une fois le projet terminé. L’une des raisons pour laquelle le IPD propose de créer une entité unique est de réduire le manque d’efficacité dû au cloisonnement que génèrent la hiérarchisation et la fragmentation.
LE MANQUE DE SOUPLESSE DES ORGANISATIONS DE PROFESSIONNELS
La rigidité que l’on retrouve habituellement dans les firmes ne permet pas la souplesse que nécessite un processus de conception intégrée. Ainsi, une cassure se produit entre l’équipe intégrée multidisciplinaire et la structure organisationnelle/opérationnelle de chaque entité. Dans le flux de travail des professionnels, un transfert se fait d’un contexte favorable collaboratif à un contexte hiérarchique qui compromet la synergie de l’équipe et des systèmes. Plusieurs pistes de solution ont été survolées pour créer ce pont entre les deux différents types de structure dans lesquels les professionnels sont amenés à travailler. Voici un survol de quatre pistes de solutions pour créer une structure hybride qui alimente les facteurs de succès d’un PCI.
1. LE SYSTÈME ORGANISATIONEL ET OPÉRATIONNEL DOUBLE
Comment pouvons-nous faire cohabiter les deux structures afin d’obtenir une organisation inter-organisationnelle tout en maintenant la synergie d’équipe et la synergie des systèmes ? En passant d’un système opérationnel fondé sur l’exécution à un système adaptatif. Autrement dit, en passant d’un système vertical à un système double où l’on retrouve les structures verticale et horizontale. Nous appelons ce système, un système d’exploitation hybride basé sur l’agilité, les objectifs partagés, l’apprentissage, l’autonomie et l’innovation. L’intégration du système double est essentielle pour permettre une culture d’innovation et de flux d’idées.
2. L’HORIZONTALITÉ, LA GESTION PAR PROCESSUS
Contrairement au système hiérarchique, le système horizontal est davantage axé sur la confiance et la communication que sur la subordination. Le système horizontal permet une participation et une responsabilité plus collective des organisations, ce qui les rend plus agiles face à la recherche de solutions optimales et face à la prise de décision. Pour obtenir une structure horizontale, une organisation peut adhérer à la gestion par processus et au travail en réseau. Les processus traversent la structure hiérarchique et établissent une communication à double sens pour une prise de décision efficiente.
3. APPLIQUER UN PROCESSUS D’ASSURANCE QUALITÉ
Les clients peuvent être rigides à l’innovation et aux nouvelles idées lorsqu’il font face aux impondérables et à l’incertitude. Une manière d’atténuer les risques est d’appliquer un processus d’assurance qualité. Toutefois, il faut pouvoir offrir ce processus en continu sur le cycle complet d’un projet. Ce dernier doit être géré en tenant compte de plusieurs processus qui, dans l’ensemble, génèrent une assurance qualité. Le PCI, le Lean, le BIM et la MESA en sont des exemples. La gestion de ces processus complémentaires pourrait encourager les clients à aller de l’avant avec les opportunités innovantes puisque les gestionnaires de projet seraient en mesure favoriser l’apport des bons intervenants au bon moment dans un objectif d’assurance qualité continue.
« Lorsqu’une organisation est agile, elle se donne les possibilités de saisir les opportunités. Mais dans le cas contraire les opportunités sont souvent perçues comme un problème. Le manque d’agilité peut faire avorter un processus de conception intégrée puisqu’un cadre trop rigide étouffe la synergie propice aux solutions créatives.
En conception intégrée, l’équipe de conception doit se munir d’un champion. Le champion c’est quelqu’un qui a accès directement aux plus hautes instances et qui a la confiance de ces personnes. Le champion est en mesure de challenger les instances décisionnelles et permet de faire valoir les options/opportunités et de les expliquer lors du processus de conception. Il est un intervenant clé dans le fait d’être agile en PCI, car il accélère la prise de décision. »
Normand Hudon, architecte associé chez Coarchitecture et formateur au CFDD
4. LE GESTIONNAIRE DE PROJET PCI
Finalement, un gestionnaire de processus pourrait être en charge de suivre rigoureusement et de documenter les flux de travail en conception. En PCI, nous nommons ce document un rapport de continuité. Ce rapport devrait être la responsabilité du gestionnaire de projet spécialisé en PCI. Actuellement, le PCI est mené de manière plutôt informelle par les architectes. Le problème avec un PCI informel est que l’on peut perdre toute traçabilité sur le processus décisionnel. Un PCI intentionnel désignerait donc un gestionnaire spécialisé en PCI pour documenter les enjeux discutés, les solutions proposées et celles retenues. Cela fait partie du processus de communication d’une bonne pratique de gestion de projet en plus de faciliter le processus.
« De mon expérience, il y a une communication qui existe déjà entre les équipes techniques de chaque discipline lors de la réalisation des plans et devis (architecture, mécanique et électrique, structure et civil). Le problème, c’est que leur superviseur n’est pas informé des réflexions et des hypothèses de conception de son équipe ce qui fait en sorte que le superviseur n’est pas en mesure d’amener cette réflexion aux plus hautes instances. Et donc, les certaines réflexions sur lesquels les concepts s’appuient ne font pas partie de la prise de décision. Pour contrer ce phénomène dans l’organisation hiérarchique, nous devons créer des sous-groupes informels pour développer des solutions. Il faut les bonnes personnes autour de ces cercles. C’est comme des cellules agiles qui se créer temporairement pour amener les solutions et les réflexions derrières dans le processus décisionnel. »
Patrick Vallerand, Ingénieur et président de Strategia Conseil et formateur au CFDD
L’AGILE AU SERVICE DU PCI
Comme il a été mention précédemment, l’aspect hiérarchique dans les organisations est un frein à la synergie. Pour atténuer cette cassure entre le travail collaboratif et exécutif, il faut créer des cellules de travail. C’est par l’agilité des organisations que l’on peut y parvenir. Comment peut-on parvenir à être agile dans le processus de réalisation de projet ? Dans l’article que j’ai rédigé pour PMI Québec-Lévis, j’ai abordé les processus d’agilité et d’innovation pour démontrer les similarités avec le PCI. En bref, les équipes techniques doivent être plus organiques. Ceci se traduit par des équipes auto-organisées travaillant de manière itérative avec une interaction continue avec les décideurs. Le réseau de cellules informelles s’appuie sur le fait que les bonnes idées et l’innovation peuvent venir de partout. C’est pour cette raison qu’il faut accentuer les canaux de communication et décloisonner le travail.
Cet article fait partie d’une série de 9 textes rédigés dans le cadre d’un partenariat avec le Centre de Formation en Développement Durable (CFDD) de l’Université Laval. La série se penche principalement sur le PCI et le bâtiment durable.