La facilitation pour délier la complexité dans les projets
Dans un processus de conception intégrée (PCI), la synergie des systèmes est tributaire de la synergie d’équipe. Cette dernière est atteinte lorsque la communication est efficiente et que l’information circule de façon fluide et multidirectionnelle entre les professionnels impliqués dans le projet, d’où l’importance d’accorder une attention particulière à la dynamique de groupe. Cependant, la mixité d’un groupe devient parfois un obstacle à la participation active de tous; c’est là que le facilitateur, véritable gardien de cette synergie d’équipe, apparaît alors un acteur nécessaire pour faire émerger les meilleures idées.
Définition du rôle de facilitateur
Comme il est décrit dans le Guide du CERACQ, la facilitation est un rôle distinct dans un PCI. Le facilitateur agit à titre d’expert du processus et des relations humaines, et non d’expert d’architecture ou d’ingénierie. Cela dit, rien n’empêche qu’un architecte ou qu’un ingénieur soit également un bon facilitateur; il est toutefois primordial que ce professionnel mette son expertise de côté pour représenter la neutralité. Il conseille le chef de projet sur la dynamique de collaboration du groupe. Le facilitateur doit cibler les éléments déficients de la collaboration, proposer des correctifs et faire des recommandations.
C’est pourquoi il doit identifier avec l’équipe les critères de succès. Autrement dit, nommer l’intention derrière chacun des ateliers. En fait, il doit saisir le «pourquoi» de l’atelier, ensuite donner des instructions claires et exprimer les objectifs qu’on cherche à atteindre. Ainsi, le facilitateur s’assure de mettre la table et d’avoir une rétroaction durant tout le PCI, sur la base d’une référence qui est la même pour tous. Il est donc imputable de l’intention, c’est-à-dire de favoriser l’environnement collaboratif.
«Le facilitateur est un spécialiste de la synergie d’équipe qui se doit d’être au service de l’atteinte des objectifs du projet. Ainsi, la facilitation permet aux professionnels d’être en mesure de discuter des enjeux dans un climat de confiance et de respect. Toutefois, lorsque les intervenants se réunissent pour traiter les enjeux, ces moments-là se doivent d’être performants et bien préparés. L’important, c’est de planifier et d’explorer les bonnes choses, au bon moment, avec les bonnes personnes. Pour ce faire, l’expert en facilitation va définir une stratégie de déploiement PCI, une feuille de route et un programme d’atelier, le tout validé par les principales parties prenantes.»
Jean-Sébastien Bouchard, associé fondateur chez En mode solutions et formateur au CFDD
L’humain avant tout : la bienveillance et le sentiment du travail bien fait
Le facilitateur doit créer rapidement un environnement de confiance afin que tous se sentent à l’aise d’exprimer leur point de vue. Cette approche met de l’avant la bienveillance pour élever les perspectives, discuter d’enjeux qu’on n’aurait pas pu traiter autrement et générer un sentiment du travail bien fait chez tous les participants. En fait, le facilitateur crée un environnement convivial pour aborder les problématiques dans les remue-méninges. Il permet d’établir une vision commune en adéquation avec le travail et les intérêts de chacun. Pour favoriser ce terreau fertile aux échanges, le facilitateur doit créer un équilibre entre les extravertis et les introvertis. Il reste à l’affut de la dynamique de groupe et permet que tous participent.
Un enjeu de la facilitation: inclure l’ego et élever les perspectives
« Le facilitateur doit amener les professionnels à se comprendre et à inclure les différents points de vue vers une perspective d’ensemble. L’ego des intervenants autour de la table peut parfois poser problème à la dynamique de groupe. Le facilitateur ne doit pas contrer cet ego, mais plutôt l’inclure et travailler avec lui. Il n’est pas nécessairement négatif et permet d’élever les perspectives à un autre niveau. C’est pourquoi le facilitateur va venir questionner, exposer les points de vue dans un objectif de confronter les idées pour qu’émergent les différentes perspectives. Ainsi, les professionnels pourront trouver une solution adéquate à un problème complexe, en le regardant sous différents angles. »
Dave Jacques, conseiller agile chez Pyxis
Un piège de la facilitation : les bulles créatives inutiles
«Il faut éviter à tout prix d’amener l’équipe dans un endroit où le projet ne leur permet pas de mettre en œuvre les idées mises de l’avant, soit par les contraintes de projet, soit par l’incapacité du client ou soit par l’incapacité de l’équipe. Il faut éviter d’aller dans ces zones « culs-de-sac » qui risquent d’avoir un effet démobilisateur très néfaste pour la dynamique de l’équipe.»
Marie-Jules Bergeron, associée chez En mode solutions et formatrice au CFDD
Adaptation, flexibilité : un PCI en constante évolution
Au-delà de l’attention aux relations humaines entre les intervenants, il est impératif que le facilitateur définisse le cadre dans lequel le PCI va se réaliser.
Le PCI doit être en adaptation avec l’avancement du projet et le niveau des professionnels face au travail collaboratif. Cette flexibilité permet d’une part d’ajuster constamment le plan avec l’endroit où se situe le projet réellement, d’autre part, d’avancer avec les professionnels à partir de leur niveau de maturité. C’est pourquoi chaque atelier de conception intégrée doit être fait sur mesure, en fonction des besoins du projet et des intervenants. La facilitation permettra d’aller chercher des moyens différents d’atteindre les mêmes d’objectifs de manière plus efficace. Par exemple, plutôt que de ne faire qu’une réunion de coordination, une approche participative peut être utilisée. Les professionnels n’ont pas à être créatifs à tout prix, il faut surtout qu’ils travaillent bien ensemble pour arriver à des résultats innovants.
Un outil essentiel pour ajuster l’approche PCI : le comité de pilotage
Le comité de pilotage permet d’adapter les ateliers en fonction des besoins de rétroaction des professionnels et ainsi prévoir la participation de consultants spécialisés. Le comité de pilotage permet entre autres de partager le leadership et de transférer l’imputabilité à l’ensemble de l’équipe en transférant la responsabilité de préparer certains livrables en vue du prochain atelier. Chaque atelier devient soigneusement planifié dans le but d’avoir les interactions désirées, d’avoir les bonnes personnes au bon moment. Autrement dit, ce type de réunion permet de valider la démarche et de s’entendre sur une approche de conception intégrée ajustée continuellement aux besoins du moment.
Une valeur ajoutée : la collaboration avec la gestion de projet
La facilitation est étroitement liée à la gestion de projet. La démarche de PCI doit être harmonisée avec le processus décisionnel de l’organisation du client et répondre aux besoins des disciplines du projet. À ce propos, le facilitateur doit comprendre en profondeur le projet, les professionnels ainsi que la structure hiérarchique du client. Le facilitateur permet au gestionnaire de projet d’avoir un intrant de plus pour mieux gérer son projet. D’ailleurs, la facilitation s’inscrit entre autres dans le domaine de gestion des communications. Elle vise à instaurer ou améliorer la collaboration principalement à travers la qualité des communications.
Générer une synergie d’équipe et la maintenir
Comme il a été mentionné, le facilitateur se consacre au «pourquoi» de la réunion, à la raison pour laquelle l’équipe de conception est réunie, mais pas au «comment», à la solution qu’elle va apporter. Le «pourquoi» permet d’ajuster l’orientation de la facilitation et de s’adapter. Le but est de créer un terrain fertile pour permettre de faire évoluer les pratiques collaboratives. Ainsi, lors d’un projet en PCI, le facilitateur doit tenir compte du niveau de maturité de l’ensemble d’un groupe et naviguer dans différents niveaux de maturité à la fois. En fait, il vise à favoriser la synergie d’équipe. Ensuite, il l’observe et intervient pour la maintenir.
«Le rôle du facilitateur est donc de servir l’intention du groupe. Il n’est pas attaché à une solution précise. Le facilitateur n’est pas expert de contenu, mais l’expert du contenant, de la dynamique de groupe. Autrement dit, le rôle du facilitateur c’est d’amener les gens vers l’intention du PCI c’est-à-dire de travailler en synergie vers les solutions les plus optimales.»
Dave Jacques, conseiller agile chez Pyxis
Le facilitateur, une expertise
Un bon facilitateur adapte son langage et sa stratégie en considérant l’individu et l’ensemble. Il doit avoir une empathie très développée pour comprendre les individus, il est comme un chef d’orchestre qui cherche à les harmoniser. Son désir est d’être à la fois le plus absent en étant le plus présent possible. Lorsque l’équipe devient autonome dans un travail collaboratif et synergique, c’est que le facilitateur a réussi. La recette a été bien mélangée; le pain a levé. Le facilitateur est totalement présent et presque invisible.
Réflexion additionnelle : la différence entre le facilitateur et l’animateur
Lorsque l’on parle de facilitation dans un PCI, il est important de faire la différence entre l’animateur et le facilitateur. Le rôle d’un animateur est d’animer un groupe plutôt que de rechercher à ce que le groupe s’anime de lui-même. L’animateur ne va pas servir une intention précise tandis qu’un facilitateur va aider au bon alignement des discussions et des prises de décisions. Le facilitateur travaille à rendre l’équipe de projet autonome, que chacun des membres puisse prendre sa place et participer. Quant à lui, l’animateur comble les vides, il prend plus de place.
Cet article fait partie d’une série de 9 textes rédigés dans le cadre d’un partenariat avec le Centre de Formation en Développement Durable (CFDD) de l’Université Laval. La série se penche principalement sur le PCI et le bâtiment durable.
Cet article a également été publié sur le site VoirVert.ca, section Chroniques sur le développement et le bâtiment durable du CFDD