Travailler ensemble, mieux et différemment : approche de développement socialement responsable

L’intégration de la communauté dans la prise de décision est très importante dans le développement de projets durables. De ce fait, comment est-il possible d’intégrer efficacement l’opinion publique dans l’orientation des choix conceptuels et comment peut-on favoriser un projet engagé de manière intentionnelle avec la communauté ? À ces questions, j’ai tenté de répondre lors d’un entretien avec Marc Jeannotte de Votepour.ca, au cours duquel nous avons discuté du processus de conception intégrée (PCI) et du processus d’acceptabilité sociale.

L’acceptabilité sociale, c’est une participation

Le concept de développement durable suppose un changement de culture qui amène à repenser les interventions dans le milieu, en ayant une conception holistique des projets. C’est pourquoi il est important de privilégier d’abord une démarche participative afin d’intégrer les trois dimensions du développement durable (sociale, environnementale et économique). Souhaiter l’intégration de la communauté suppose de revoir l’approche de réalisation de projets avec un objectif d’acceptabilité sociale. Cette dernière résulte d’un processus par lequel l’ensemble des parties prenantes construit ensemble les conditions par lesquelles un projet va venir s’insérer de façon harmonieuse dans un milieu.

L’idée derrière les approches visant l’acceptabilité sociale est de mesurer l’opinion citoyenne de manière continue, soit à l’aide d’activités d’information, de consultation ou de participation active. Ainsi, les citoyens et les promoteurs contribuent conjointement à réaliser des projets viables et structurants.

Influence et pouvoir : les citoyens de décideurs à contributeurs

Comme mentionné lors du Forum sur l’acceptabilité sociale (FASQC) organisé par Votepour.ca, les consultations publiques sont malheureusement trop souvent perçues par les promoteurs comme un processus d’opposition plutôt qu’un moyen de collaborer avec les communautés à un projet socialement responsable. Pour rendre cela possible, il faut offrir aux citoyens un plus grand rôle dans la prise de décision publique ou privée pour générer des projets et interventions avec une forte acceptabilité sociale. Au lieu du scénario habituel qui ressemble à un dialogue de sourds, les promoteurs ont avantage à permettre aux communautés de participer au plan et programme du projet. Les groupes citoyens exercent de plus en plus leur pouvoir d’influence sur les projets, par conséquent, il vaut mieux favoriser des échanges constructifs au bénéfice de tous.

Pour bien saisir les différents niveaux d’influence et de pouvoir d’une collectivité, le graphique 1 présente l’échelle de la participation, soit une mesure du pouvoir décisionnel des citoyens à influencer la détermination du plan ou du programme d’un projet. À cet effet, seul un processus de participation intentionnel permet d’intégrer la voix citoyenne dans le développement des projets. Dans ce contexte, il est possible d’établir un dialogue et un engagement mutuel entre les citoyens et les parties prenantes traditionnelles. Les individus avec peu de pouvoir d’influence peuvent se mobiliser et faire valoir leurs points de vue, leurs aspirations et leurs besoins.

La donnée involontaire dans l’élaboration d’un projet

Considérer les intérêts citoyens amène un lot d’informations pertinentes dans l’élaboration d’un projet. Les citoyens représentent une source de données qui peut influencer positivement le concept d’un promoteur ou d’une ville. En ce qui précède, nous pensons à deux types de données : la donnée volontaire et la donnée citoyenne. La première est générée par des enquêtes, des sondages et des groupes de discussion, etc. tandis que la seconde est spontanée, découle de l’observation sur le site, par exemple. Bien qu’involontaire, ce dernier type de données est très riche pour les besoins fonctionnels des projets. En urbanisme par exemple, la donnée citoyenne peut nous informer sur les déplacements et les interactions avec le mobilier urbain.

« Il existe plusieurs spectres d’information qu’il est possible de sonder. À cet effet, un individu sera en mesure de partager beaucoup d’information sur l’usage d’un bâtiment; les espaces de trottoir; la sécurisation des intersections et même de transmettre des informations à l’échelle du quartier. Par contre, plus l’individu s’éloigne de l’objet de référence, plus son savoir citoyen devient diffus. Ainsi, au lieu de contribuer aux besoins fonctionnels, l’individu va transmettre une opinion liée à ses valeurs idéologiques. »

Marc Jeannotte, cofondateur de Votepour.ca

Le « persona » pour faciliter la représentativité d’une communauté

Dans une optique d’acceptabilité des projets par une communauté, la dimension sociale demande au concepteur d’être capable de se mettre à la place de l’autre, de développer une capacité à traduire le point de vue du citoyen. Pour ce faire, il faut que les professionnels soient en mesure de changer de perspective et de se voir eux-mêmes comme membre de la communauté. La dimension sociale, l’une des trois associées au développement durable, doit être immersive dans les projets.

Les organismes communautaires, les acteurs du développement économique, les élus locaux et les conseillers municipaux représentent différents groupes d’individus. Ainsi, un représentant peut se faire le porte-parole de son groupe pour exposer les enjeux du projet, que ce soit un enjeu lié à la densité ou aux risques environnementaux (ex. : qualité de l’eau, qualité de l’air; impact des bruits ambiants). Chaque milieu possède une fibre sociale distincte et détient ses champions de communauté. Ces champions constituent des parties prenantes externes qu’il faut intégrer au processus afin de mieux en comprendre les oppositions, les anticipations et de définir qu’elle sera la manière de travailler avec la communauté pour minimiser les impacts et optimiser les bénéfices.

« Ce travail de fond avec les champions de communauté permet d’améliorer l’approche de développement d’un projet grâce à la création de « personas » , lequel représente une idéologie ou une façon de voir le projet. Ainsi, il devient possible de synthétiser les idées de 200 individus en 10 «personas», soit dix individus «type». Cette démarche facilite ainsi l’intégration des principaux points de vue de toute une communauté dans les projets et vice-versa. »

Marc Jeannotte, cofondateur de Votepour.ca

Générer des bénéfices privés et publics

Un processus d’acceptabilité sociale encourage la co-création en cohérence avec les principes du PCI. Le projet du nouveau complexe hospitalier de Québec en est un bon exemple. L’acceptabilité sociale ayant été considérée comme un enjeu greffé au PCI, le processus a permis aux citoyens de contribuer aux solutions conceptuelles et de construction grâce à l’ouverture au dialogue. La mise en place de processus prévisibles de participation publique à toutes les étapes d’un projet favorise son acceptabilité sociale. Le CHU a d’ailleurs partagé une partie de sa démarche sur son site web.

À cet effet, le quartier Bayside Developpement – Waterfront Toronto situé directement sur le port intérieur de Toronto en est un autre bon exemple. Dans le cadre de ce projet exemplaire, en matière de processus de consultation et d’information citoyennes, un site web lui étant dédié exclusivement a été mis en place. Toutes les activités et séances d’informations y ont été planifiées et divulguées sur une période de 2 ans. Ce processus prévisible a permis aux champions de communauté de mieux planifier la réalisation de rapports et de mémoires étoffés, et ainsi, de maximiser leur contribution.

Acceptabilité sociale : processus basé sur la transparence

Le processus d’acceptabilité sociale prévoit la tenue d’ateliers prospectifs pour considérer la diversité de perspectives dans un projet de développement futur. Cette diversité amène l’idée du consensus différencié qui permet de cibler les zones d’impossibilité d’accord pour ensuite travailler sur les zones consensuelles.

À l’occasion de charrettes ou d’ateliers créatifs en mode PCI, il est possible d’inviter le citoyen qui, s’engageant dans le processus de conception, peut donc contribuer à l’idéation de solutions. Pour réussir le dialogue entre les citoyens et un promoteur, il importe de vulgariser l’information technique du projet pour éviter qu’il y ait de l’incertitude, ce qui nuirait au climat de confiance. C’est ainsi que les approches participatives telles que les activités d’information, de consultation ou de participation active favorisent le dialogue entre les promoteurs et la communauté.

Pour la réussite d’un processus d’acceptabilité sociale :
  • Crédibilité et transparence : rigueur/intégrité/participation;
  • Stratégie de communication : planification/prévision/rétroaction;
  • Consultation sur des enjeux bien définis : concertation, facilitation, représentativité.
Pour la réussite d’un processus de consultation :
  • Espace propice/contexte favorable;
  • Espace de dialogue/ zone raisonnable pour toutes les parties prenantes;
  • Expertise citoyenne pour améliorer le projet.

Pour favoriser l’acceptabilité sociale, il faut un processus de réalisation basé sur la transparence afin d’établir une communication avec les citoyens permettant l’échange. Ainsi, il devient plus facile de déterminer les enjeux du projet et d’avoir une rétroaction de la part de la communauté ciblée, devenant ainsi une source d’information précieuse pour permettre ensuite l’ajustement des paramètres du projet qui rendront possible une meilleure adhésion. Cette démarche en continu fait évoluer le projet de manière positive. Le processus d’acceptabilité sociale demande :

1) la capacité de réflexion et d’intégration du citoyen participant;
2) la recherche d’idées dans un processus basé sur l’écoute, la consultation et l’information;
3) la création de projets privilégiant l’engagement communautaire.

Essentiellement, l’on doit apprendre à susciter l’engagement des membres de la communauté tout au long du processus de conception ainsi qu’à intégrer de nouvelles méthodes de sensibilisation communautaires innovatrices. Par conséquent, plus de bénéfices publics et privés pourront résulter du processus d’acceptabilité sociale. Et en ce sens, la meilleure approche pour y parvenir, c’est le PCI.


Cet article fait partie d’une série de 9 textes rédigés dans le cadre d’un partenariat avec le Centre de Formation en Développement Durable (CFDD) de l’Université Laval. La série se penche principalement sur le PCI et le bâtiment durable.

Passionné par le domaine de la construction, mais plus particulièrement ce qui englobe le développement durable et l'efficacité énergétique par l’apport de méthodes innovantes, je désire contribuer à une amélioration des milieux de vie de la collectivité tout en respectant l’environnement qui nous entoure.

jphilippe.dionne.m.sc@gmail.com

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